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La conscience

Loi et conscience sont intimement liées sur les chemins de la vie :

- la boussole : la conscience
- la carte : les règles, la loi

Une voix intérieure

La conscience est au centre de l’éthique. En un mot, l’homme doit toujours agir selon sa conscience.

La conscience désigne la capacité de retour sur soi, de connaissance de sa propre existence et de son environnement. Ce sens peut faire référence à la connaissance de quelque chose comme dans les expressions : "Je prends conscience de", "J'ai conscience de", "Je suis conscient de". Conscience dit alors connaissance, clarté ou simplement pensée d'une chose en soi ou hors de soi. À l’inverse on retrouve des expressions qui témoignent de perte, de disparition d'un sentiment plus ou moins confus, mais sensible, d'une présence à soi et au monde "perdre conscience", "être inconscient de".

La conscience morale est liée à cette première notion, mais va beaucoup plus loin; elle touche au secret et à la dignité de l’homme, capable de percevoir le bien et le mal, et capable donner des critères de discernement pour une décision libre et responsable. Pour John Henry Newman la conscience est à la fois un sens moral et un sens religieux :

Sens moral : la conscience est un sens du bien, comme on peut aussi avoir un sens du beau. Ce n’est pas seulement un sentiment moral, mais une sorte de loi intérieure très profonde, un «élément originel au-dedans de nous» qui exerce sur nous une autorité ou tout au moins un conseil. À cette étape, on remarque que la perception du bien et du mal varie pourtant d’un individu à l’autre. Le sens moral doit être formé et affiné en chacun. C’est le travail de l’éducation.
Sens religieux : la conscience implique une relation entre l’âme et une autorité qui la transcende, un Être supérieur. C’est cette relation qui donne à la conscience son autorité sur nos comportements. Newman voit une trace de ce sens religieux, de cette autorité qui vient d’au-delà de nous, dans le sentiment qui s’empare de nous lorsque nous avons trahi notre conscience, un sentiment qui nous fait percevoir que nous ne sommes pas seuls. La conscience nous dit que quelqu’un parle en nous comme une voix intérieure.

Concile Vatican II, « l’Église dans le monde de ce temps (Gaudium et spes), n°16 : « Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur, fais ceci, évite cela. Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme; sa dignité c’est de lui obéir et c’est elle qui le jugera. La conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa Voix se fait entendre... Par fidélité à la conscience, les chrétiens unis aux autres hommes, doivent chercher ensemble la vérité et la solution juste de tant de problèmes moraux que soulèvent aussi bien la vie privée que sociale... Plus la conscience droite l’emporte, plus les personnes et les groupes s’éloignent d’une décision aveugle et tendent à se conformer aux règles objectives de la moralité. Toutefois, il arrive souvent que la conscience s’égare, par suite d’une ignorance invincible, sans perdre pour autant sa dignité. Ce que l’on pourrait dire lorsque l’homme se soucie peu de rechercher le vrai et le bien et lorsque l’habitude du péché rend peu à peu sa conscience presque aveugle. »

Déclaration sur la liberté religieuse, Dignitatis humanae, 3 : "Mais c’est par sa conscience que l’homme perçoit et reconnaît les injonctions de la loi divine ; c’est elle qu’il est tenu de suivre fidèlement en toutes ses activités, pour parvenir à sa fin qui est Dieu. Il ne doit donc pas être contraint d’agir contre sa conscience. Mais il ne doit pas être empêché non plus d’agir selon sa conscience".

Jean-Paul II, Veritatis splendor, 60 : Comme la loi naturelle elle-même et comme toute connaissance pratique, le jugement de la conscience a un caractère impératif : l'homme doit agir en s'y conformant. Si l'homme agit contre ce jugement ou si, par défaut de certitude sur la justesse ou la bonté d'un acte déterminé, il l'accomplit, il est condamné par sa conscience elle-même, norme immédiate de la moralité personnelle. La dignité de cette instance rationnelle et l'autorité de sa voix et de ses jugements découlent de la vérité sur le bien et sur le mal moral qu'elle est appelée à entendre et à exprimer.

Audience générale Paul VI en 1969 : agir selon sa conscience devient la norme qui engage le plus et qui est, en même temps, la plus autonome de l’action humaine. Qui agit contre sa conscience est en dehors du droit chemin.

Saint Thomas d'Aquin : "Toute volonté qui n’obéit pas à la raison, que celle-ci soit droite ou dans l’erreur, est toujours mauvaise".

Jean Paul II :"Aucune autorité humaine n'a le droit d'intervenir dans la conscience de quiconque. La conscience est le témoin de la transcendance de la personne, même en face de la société, et, comme telle, elle est inviolable. [...] Nier à une personne la pleine liberté de conscience, et notamment la liberté de chercher la vérité, ou tenter de lui imposer une façon particulière de comprendre la vérité, cela va contre son droit le plus intime" (Jean Paul II, "Message pour la Journée de la Paix", La Documentation catholique, n° 2020, 20 janvier 1991, p. 54).

L’homme doit suivre sa conscience. Cette responsabilité n’est pas toujours facile à assumer, car toutes les situations ne sont pas claires, ni en elles-mêmes ni dans l’écho qu’elles ont dans notre intelligence et nos émotions.

«L’homme est quelquefois affronté à des situations qui rendent le jugement moral moins assuré et la décision difficile. Mais il doit toujours rechercher ce qui est juste et bon» et s’efforcer de discerner la volonté de Dieu (CEC 1787) ».

Entendre cette voix intérieure de la conscience suppose que nous y soyons attentifs et que le bruit du monde extérieur ne la couvre pas totalement.

Mais si cette conscience se trompe, si le sujet prend un mal pour un bien, ou l’inverse, que vaut cette fidélité à la conscience ? Car la conscience, même lorsqu’elle évite l’écueil de la volonté propre, peut réellement se tromper, nous présentant comme bien un bien qui n’est pas véritable ou nous enjoignant d’éviter un mal qui est en réalité un bien. Même dans ces cas extrêmes, la volonté doit suivre la conscience. Et même, cette volonté sera bonne — dans la mesure où l’erreur de la conscience n’est pas volontaire.

Lorsque la conscience porte des jugements qui sont manifestement en désaccord avec la loi morale commune, tout en étant de bonne foi, on parle d’ignorance invincible.

«Si l’ignorance est invincible, ou le jugement erroné sans responsabilité du sujet moral, le mal commis par la personne ne peut lui être imputé. Il n’en demeure pas moins un mal, une privation, un désordre. Il faut donc travailler à corriger la conscience morale de ses erreurs» (CEC 1793).

L’erreur peut être surmontée par le dialogue, l’étude, l’expérience de vie, mais elle demeure parfois momentanément insurmontable, invincible. Est affecté d’ignorance invincible l’homme qui, quoiqu’il fasse, n’est pas capable dans l’heure présente de vaincre son incapacité à distinguer le bien du mal, ou tel bien de tel mal.

"La question doit être bien réfléchie : beaucoup sont, sur certains points, à des moments déterminés, incapables de percevoir, de reconnaître expressément, la moralité de tel ou tel acte. Autant il est déraisonnable et irrespectueux de présumer une ignorance invincible généralisée chez quelqu’un (ce qui signifierait une absence totale de moralité), autant il est fréquent de voir que tel ou tel comportement (qu’il s’agisse de travail, de profession, d’argent, de sexualité ou du politique) ne semble pas pouvoir, aux yeux de telle ou telle conscience humaine, relever de la moralité. L’homme ne voit pas le rapport qui existe entre tel geste et le bien moral. Son ignorance est invincible s’il n’a pas à sa disposition des moyens humainement possibles pour lui faire dépasser hic et nunc (ici et maintenant) cette ignorance sur ce point déterminé. Pour toutes sortes de raisons (culturelles ou morales, voire coupables), il ne perçoit pas comment telle ou telle chose relève de l’ordre de la moralité ; même s’il lit ou entend dire le contraire, il ne peut le comprendre" (Chapelle, Hennaux et Borgonovo, La vie dans l’Esprit, p. 291).

Le primat donné à la conscience explique une préoccupation des documents officiels de l’Église par rapport à l’évolution de la mentalité culturelle dans laquelle baignent les consciences. On se souvient notamment de l’expression «culture de mort» reprise mainte fois par Jean-Paul II pour évoquer la culture contemporaine où la perte de la vérité sur l’homme conduit à malmener sa dignité.

Que faire lorsque la conscience s’oppose à la loi. Il faut distinguer l’obligation (s’arrêter à un feu rouge) de la faculté (se pacser). Dans le premier cas, si la conscience me dit de ne pas m’arrêter, j’encours un risque. Dans le second cas, je reste libre de choisir mon chemin. Des cas plus complexes se posent. Dans l’histoire du christianisme, des chrétiens ont été obligés de renier leur foi, faute de quoi ils étaient condamnés à mourir dans l’arène avec les lions. Nul n’est obligé de mourir en martyr. Plus récemment, durant la seconde guerre mondiale, les soldats ont commis des actes de barbarie, parfois contre leur conscience. Autre exemple plus simple : dans une cantine scolaire, que doit faire un musulman qui ne se voit proposer que de la viande de porc ? Un maire doit-il accepter une crèche dans sa mairie ? Un maire peut-il refuser de célébrer un mariage homosexuel contre sa conscience. Légalement non ; le conseil constitutionnel ayant refusé la clause de conscience. En pratique il peut suivre sa conscience, mais encourt des poursuites pénales (5 ans de prison et 75000 euros d’amende).

Former sa conscience

La conscience a pour fonction d’interpréter les normes et non de les créer. La conscience n’est pas la source de la morale, mais la voix intérieure. Il faut donc qu’elle soit alimentée et formée au jugement.

Demeure le problème de la fragilité de la conscience. Car la conscience, ordonnée à la vérité, ne devrait pas se tromper. Or l'expérience la plus courante lui apporte des démentis. En fait, c'est une méprise que de penser que la conscience morale, spontanée, agirait comme par instinct et pourrait éviter la réflexion, l'information, le débat et le discernement. On peut être responsable de son erreur, notamment quand on néglige de développer ses connaissances morales, d'examiner les circonstances de l'action, ou lorsqu'on se laisse guider par paresse, précipitation ou passion. C'est pourquoi on ne peut pas évoquer la conscience morale sans parler de sa formation.

Si la conscience est ce lieu d'origine de la moralité, au plus intime de nous-mêmes, n'oublions pas la réserve apportée par Jean Paul II :

"Cependant la conscience n'est pas un absolu qui serait placé au-dessus de la vérité et de l'erreur ; et même sa nature intime suppose un rapport avec la vérité objective, universelle et égale pour tous, que tous, que tous peuvent et doivent chercher".

Autrement dit, s'il y a liberté de conscience, c'est pour la vérité.

"Il ne suffit donc pas de dire à l'homme : Obéis toujours à ta conscience. Il est nécessaire d'ajouter immédiatement : Demande-toi si ta conscience dit le vrai ou le faux, et cherche, sans te lasser, à connaître la vérité" (Jean Paul II, Audience générale du 17 août 1983, La Documentation catholique, n° 1860, 16 octobre 1983, p. 937).

La conscience est donc liée à d'autres références qu'elle-même. La conscience a besoin de guides : lecture sérieuse de l'Écriture, tradition, expérience partagée avec la communauté croyante, écoute des frères, information... Nous ne pouvons être excusés d'une faute commise par ignorance que si nous avons fait ce qui est en notre pouvoir pour éclairer notre action. La conscience est en nous le témoin et l'organe de la vérité et du bien. Elle en a les promesses. Elle ne peut pas se dispenser de les rechercher.

La conscience se construit dans le dialogue. C'est pour cette raison que le théologien protestant américain H. Richard Niebuhr décrivait l'expérience de la conscience morale comme "une conversation". Une conversation qui ne saurait faire fi des situations et de la temporalité, et qui oblige à expliciter ses raisons et à les soumettre à la critique des autres. Par ce travail, la conscience peut se trouver fortifiée, confirmée ou transformée par la médiation d'autrui. Là est sans doute une conviction essentielle du chrétien qui devrait lui permettre de comprendre pourquoi l'Église, tout en tenant à l'éminente dignité de la conscience personnelle, renvoie chacun au discernement en communauté.

Il y a des décisions importantes dans nos vies où nous avons besoin d’être conseillés : conseillé conjugal, conseillé spirituel… Afin de ne pas rester enfermé dans un entre-soi, la réflexion éthique nécessite la recherche d’apports extérieurs à la situation donnée.

En résumé, si la morale est un art de vivre et d’être heureux en communauté, soyons des artistes patients. Comme une peinture, la morale réclame un apprentissage et du temps pour trouver l’harmonie des couleurs de la vie. Laissons la conscience conduire notre inspiration tout en écoutant les voix qui guident nos élans.