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La création, divine origine

Un mythe fondateur

La Bible s’ouvre sur deux récits de la création. Ces récits appartiennent au genre littéraire des mythes, au sens de récit fondateur. De nombreuses civilisations connaissent ces mythes fondateurs qui racontent l'origine du monde. Le mythe a la forme d’un récit historique, mais il n’appartient pas à la chronologie du temps; il est hors du temps. Le mythe cherche à dire l’origine des choses à toute époque depuis toujours, et donc pour notre propre monde présent, pour notre vie de tous les jours. Le mythe est aussi un récit littéraire à portée universelle avec des des représentations symboliques du monde et de l’humanité.

Aborder les deux récits de la création comme des mythes risque de prêter à confusion, car ce mot renvoie à des textes légendaires. Mais ce mot nous fait prendre conscience, au risque de heurter la raison, que les récits bibliques ne constituent pas des reportages historiques. Ils sont porteurs de sens comme tous les mythes. Les récits de la création sont des mythes au sens étymologique de ce terme, c’est-à-dire « une suite de paroles qui ont un sens » (Alain Rey). Ils ne prétendent donc pas exposer une situation concrète dans un espace temps, mais dévoilent le sens de la création, le pourquoi des choses.

Si dans le langage du rationalisme du XIXe siècle le terme mythe indiquait ce qui n'entrait pas dans la réalité, le produit de l'imagination (WUNDT) ou ce qui est irrationnel (LEVY-BRUHL), le XXe siècle a modifié la manière de concevoir le mythe. L. WALK voit dans le mythe la philosophie naturelle, primitive et a-religieuse; R. OTTO le considère comme un instrument de connaissance religieuse; pour C. G. JUNG, par contre, le mythe est une manifestation des archétypes et l'expression de l'"inconscient collectif", symbole des processus intérieurs. M. ELIADE découvre dans le mythe la structure de la réalité qui est inaccessible à l'enquête rationnelle, empirique: le mythe transforme, en effet, l'événement en catégorie et rend capable de percevoir la réalité transcendante; il n'est pas seulement un symbole des processus intérieurs, comme l'affirme JUNG, mais un acte autonome de l'esprit humain au moyen duquel se réalise la révélation (cf. Traité d'histoire des religions, Paris 1949, p. 363; Images et Symboles, Paris 1952, p. 199-235). Selon P. TILLICH le mythe est un symbole, constitué par les éléments de la réalité, qui sert à représenter l'absolu et la transcendance de l'être auxquels tend l'acte religieux. H. SCHLIER souligne que le mythe ne connaît pas les facteurs historiques et n'en a pas besoin en ce sens qu'il décrit ce qui est destin cosmique de l'homme qui est toujours tel quel. Le mythe, enfin, tend à connaître ce qui est inconnaissable. Selon P. RICOEUR: "Le mythe est autre chose qu'une explication du monde, de l'histoire et de la destinée; il exprime, en terme de monde, voire d'outre-monde ou de second monde, la compréhension que l'homme prend de lui-même par rapport au fondement et à la limite de son existence. (...) Il exprime dans un langage objectif le sens que l'homme prend de sa dépendance à l'égard de cela qui se tient à la limite et à l'origine de son monde" (P. RICOEUR, Le conflit des interprétations, Paris, Seuil, 1969, p. 383). "Le mythe adamique est par excellence le mythe anthropologique. Adam veut dire Homme; mais tout mythe de l'"homme primordial" n'est pas "mythe adamique", qui ... est seul proprement anthropologique; par là trois traits sont désignés: - le mythe étiologique rapporte l'origine du mal à un ancêtre de l'humanité actuelle dont la condition est homogène à la nôtre (...); - le mythe étiologique est la tentative la plus extrême pour dédoubler l'origine du mal et du bien. L'intention de ce mythe est de donner consistance à une origine radicale du mal distincte de l'origine plus originaire de l'être-bon des choses (...). Cette distinction du radical et de l'originaire est essentielle au caractère anthropologique du mythe adamique; c'est elle qui fait de l'homme un commencement du mal au sein d'une création qui a déjà son commencement absolu dans l'acte créateur de Dieu; - le mythe adamique subordonne à la figure centrale de l'homme primordial d'autres figures qui tendent à décentrer le récit, sans pourtant supprimer le primat de la figure adamique. (...) Le mythe en nommant Adam, l'homme, explicite l'universalité concrète du mal humain; l'esprit de pénitence se donne dans le mythe adamique le symbole de cette universalité. Nous retrouvons ainsi (...) la fonction universalisante du mythe. Mais en même temps nous retrouvons les deux autres fonctions, également suscitées par l'expérience pénitentielle (...). Le mythe proto-historique servit ainsi non seulement à généraliser l'expérience d'Israël à l'humanité de tous les temps et de tous les lieux, mais à étendre à celle-ci la grande tension de la condamnation et de la miséricorde que les prophètes avaient enseigné à discerner dans le propre destin d'Israël. Enfin, dernière fonction du mythe, motivée dans la foi d'Israël: le mythe prépare la spéculation en explorant le point de rupture de l'ontologique et de l'historique" (P. RICOEUR. Finitude et culpabilité: II. Symbolique du mal. Paris. Aubier. 1960. p. 218-227). Jean-Paul II, TDC003, https://www.theologieducorps.fr/tdc/tdc-003-ils-deviennent-seule-meme-chair

Foi et science

Création Les sciences s'intéressent au comment; la théologie au pourquoi. Les deux approches se complètent sans contradiction, car elles courent dans un registre différent. Les récits de la Genèse ne se lisent pas comme des reportages chronologiques, ni comme des récits historiques et encore moins comme des explications scientifiques sur les origines de l’univers. Ils constituent une révélation sur Dieu, sur l’humanité et sur le projet de Dieu pour l’homme et la femme.

Par ailleurs, n’oublions pas que la bible est toujours révélée au sein d’une culture. Les auteurs bibliques décrivent l’univers avec les mots et les connaissances propres à leur environnement culturel. Ainsi la terre n’est qu’un disque qui repose sur des piliers ; les luminaires sont accrochés à la voûte céleste derrière laquelle est stockée l’eau utile à l’arrosage de la terre.

Jean-Paul II souligne que les théories de l’évolution sont plus qu’une hypothèse (texte complet en PDF). Le pape François prolonge cette réflexion en affirmant :

Dieu a créé les êtres et les a laissés se développer selon les lois internes qu’il a données à chacun, pour qu’ils se développent et pour qu’ils parviennent à leur plénitude. Il a donné l’autonomie aux êtres de l’univers en même temps qu’il les a assurés de sa présence permanente, donnant existence à chaque réalité. Et ainsi la création est allée de l’avant pendant des siècles et des siècles, des millénaires et des millénaires jusqu’à devenir celle que nous connaissons aujourd’hui, précisément parce que Dieu n’est pas un démiurge ou un magicien, mais le Créateur qui donne l’existence à toutes les créatures. Le début du monde n’est pas l’œuvre du chaos qui doit son origine à un autre, mais dérive directement d’un Principe suprême qui crée par amour. Le Big-Bang, que l’on place aujourd’hui à l’origine du monde, ne contredit pas l’intervention créatrice divine, mais l’exige. L’évolution de la nature ne s’oppose pas à la notion de Création, car l’évolution présuppose la création d’êtres qui évoluent (Voir le texte complet en PDF).

Dans un premier texte de 1968 intitulé « Foi en la création et théorie de l’évolution », Joseph Ratzinger tente de préciser l’apport de la science par rapport à la théologie. Sa position est alors très nettement avant-gardiste, tout en étant dans le fil de l’inspiration du Concile : « La théorie de l’évolution ne supprime pas la foi ; elle ne la confirme pas non plus. Mais elle la pousse à se comprendre elle-même plus profondément, et à aider ainsi l’être humain à se comprendre et à devenir de plus en plus ce qu’il est : l’être qui dans l’éternité doit dire “tu” à Dieu ». Et lui-même de faire référence à Teilhard de Chardin pour dépasser l’alternative radicale et simpliste entre matérialisme et spiritualisme, hasard et sens : l’homme doit reconnaître en même temps sa finitude, qui limite inexorablement sa prétention, et l’image de Dieu qui est en lui.

À l’occasion de quatre sermons sur les premiers chapitres du livre de la Genèse, le Cardinal reviendra avec force en 1981 sur l’articulation entre évolution et création, en attaquant la notion de hasard. À nouveau, il insiste sur l’absurdité d’une confrontation radicale entre évolution et création : selon lui les deux approches se complètent et ne s’excluent pas. La première s’intéresse au « comment » des choses, alors que la seconde parle du « pourquoi » et donne accès à l’origine du projet divin. La question centrale de son propos se ramène alors au sens de l’existence : « Si nous savons que nous ne sommes pas les fruits du hasard mais sommes issus de la liberté et de l’amour, alors, nous qui ne sommes pas nécessaires pouvons rendre grâce pour cette liberté et, par là-même, nous convaincre que c’est bien un don d’être homme ». Autrement dit, Ratzinger rejette catégoriquement la thèse de Richard Dawkins selon laquelle l’homme, produit génétique complexe, serait apparu par un pur hasard.

Joseph Ratzinger rejette donc avec force l’idée que nous serions les fruits du hasard, cette conclusion ruinerait la morale et la foi. Il attaque nommément Jacques Monod, qui « met à la place de la volonté divine le hasard, la loterie censés nous avoir produits ». Contre cette approche mécaniste, il relève plutôt que le hasard mis en valeur par la science nous révèle que notre existence n’est pas le résultat d’un processus nécessaire, ce qui suggère que Dieu en serait la cause. Autrement dit, en réponse à l’interrogation de Leibniz : « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? », il faut reconnaître qu’effectivement nous pourrions très bien ne pas être, mais si nous sommes, nous le sommes de par la volonté de Dieu. Création et évolution - La pensée de Benoît XVI (Vincent Aucante, Dans Nouvelle revue théologique 2008/3 (Tome 130), pages 610 à 618)..

En quête d'un commencement

Comment parler du commencement absolu de l'univers qui échappe à toute observation ? Personne n’est présent en cet instant où la lumière envahit l’espace. Les télescopes les plus performants n’ont pas encore dévoilé les secrets du commencement absolu. La raison achoppe sur cet instant zéro de l’univers. Les équations les plus complexes approchent cet instant, mais ne l’atteindront jamais, car il est hors science. Le commencement absolu est hors histoire et pourtant il inaugure l’histoire. Ne sommes-nous pas pris de vertige en tentant de l’imaginer ?

La bible déroute le lecteur qui y cherche une réponse rationnelle. Elle nous parle de l'origine de la création. Elle dit dans un langage imagé que l'univers jaillit de la volonté de Dieu. Les 7 jours dont il est question reflètent les connaissances cosmologiques de l'époque. Le lundi correspond à la lune, mardi à mars, mercredi à mercure, jeudi à jupiter, vendredi à vénus, samedi à saturne et dimanche au soleil. Pour ce dernier jour, le français a perdu l'étymologie; mais nous la retrouvons en anglais avec "sunday" ou en allemand avec "Sonntag".

Dieu se repose le septième jour.

Dieu acheva au septième jour son œuvre, qu’il avait faite : et il se reposa au septième jour de toute son œuvre, qu’il avait faite. Dieu bénit le septième jour, et il le sanctifia, parce qu’en ce jour il se reposa de toute son œuvre qu’il avait créée en la faisant (Gn 2,2-3).

Un Dieu au repos, voilà qui n’est pas banal ! De la nécessité humaine, nous passons à une prérogative divine. Bien sûr Dieu n’a nul besoin de repos. Le sabbat convoque le repos de l’humanité dans le repos de Dieu. Il est un temps de contemplation de l’œuvre achevée. Il est un temps de joies. Le repos de Dieu signifie aussi que Dieu confie la création à l’homme. Dieu s’arrête, au sens du mot "sabbat".

Adam et Ève

Sheila chantait en 1973 « Adam et Ève, c’est toi et moi ». Nous sommes effectivement tous des Adam et des Ève à un moment donné de l’histoire humaine. Qui n'a pas rêvé de vivre nu dans un jardin paradisiaque où tous les désirs seraient satisfaits ?

Les récits de la Genèse s’intéressent au pourquoi de la vie, de l’amour et de la mort. Adam naît de la terre alors qu'Ève est tirée de l'homme. Cette forme de naissance signifie que les deux êtres sont de même nature. Ils se ressemblent avec des différences dont la sexuelle est la plus visible. Leur vocation originelle est de ne former qu'une seule chair, c'est-à-dire une même vie.

Liens

Homme femme, il les créa (Gn 1,27)
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Conférences de Jean-Michel Maldamé (notes)