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Place des femmes dans l'Eglise

Quelle est la place des femmes au sein de l'Eglise ? Longtemps cantonnées dans des rôles de subordination, elles excercent désormais des responsabilités importantes, sans pouvoir endosser l'habit sacerdotal.

Dans la bible

Dans l'Ancien Testament, quelques figurent féminines jouent un rôle important. Citons Judith qui donne la victoire à son peuple après avoir fait perdre la tête, au sens propre comme au sens figuré, au général assyrien Holopherne. Citons également la reine Esther qui elle aussi sauve son peuple. Bien d'autres femmes se manifestent au coeur des livres bibliques : Sarah, Rébecca, Rachel, Tamar, Ruth... sans oublier la sulamite anonyme du Cantique des cantiques. Trois femmes portent le titre de prophétesses : Myriam, Deborah et Houldah.

Dans le Nouveau Testament, les femmes se font plus discrètes, à l'instar de Marie, la mère de Jésus. Jésus fréquente les femmes en bravant certaines conventions sociales, légales et cultuelles de son époque. Il leur parle en public, se laisse toucher par une femme impure (Lc 8,43-48), refuse de condamner une adultère, s'adresse à des femmes de mauvaise vie. Le philosophe Emmanuel Lévinas écrit :

« Tous les aiguillages de cette voie difficile, où le train de l’histoire messianique risquait mille fois de dérailler, ont été gardés et commandés par des femmes. Les événements bibliques n’auraient pas marché comme ils ont marché sans leur vigilante lucidité, sans la fermeté de leur détermination, sans leur malice et sans leur esprit de sacrifice. Emmanuel Levinas, « Le Judaïsme et le féminin » in Difficile liberté, Albin Michel, 1963, p. 53.

Les femmes jouent également un rôle central dans la constitution des premières communautés chrétiennes. Paul de Tarse nous fait ainsi connaître une certaine Phébée, exerçant le ministère de diaconesse à Corinthe. Phébée apparaît comme l’égale des ministres masculins qui entouraient saint Paul. Il recommande d’obéir à cette femme, en disant le respect et la confiance qu’elle lui inspire (Rm 16,1-2). Avec saint Pierre, c’est une autre femme, Tabitha, qui apparaît. Elle est nommée mathetria, « disciple », pour avoir aidé l’Église par ses œuvres de charité (Ac 9,36-42).

Le Nouveau Testament ne remet néanmoins pas en cause la position des femmes au sein de la société civile ou de l'Église naissante. La femme demeure juridiquement soumise à son mari. Concernant les fondements hiérarchiques de l'Église, les épiscopes, presbytres et diacres sont réservés aux hommes, à l'exception de diaconesses dont la principale mission consiste à préparer les femmes catéchumènes au baptême ; mais cette tradition disparaîtra rapidement (voir lien ci-contre).

La réputation de misogyne qui colle à Paul reflète davantage la culture ambiante que la pensée de Paul. Dans cette perspective, les femmes doivent être soumises à leur mari parce qu’il est leur chef. Les plus âgées doivent enseigner aux jeunes comment aimer leur mari et leur être soumises. Elles sont d’ailleurs créées pour l’homme dont elles tirent leur gloire. Elles doivent également avoir les cheveux longs et être voilées. L’homme ne doit pas se couvrir la tête, car il est l’image et la gloire de Dieu, ce qui n’est pas le cas de la femme (1Co 11,3-10 ; Eph 5,22 ; Tit 2,3-5).

Paul parle le langage de son temps et ne cherche pas à révolutionner les mentalités, car son message serait totalement rejeté. Paul reste conforme à la doctrine sociale de ce 1er siècle tout en soulignant que les maris doivent aimer leurs épouses comme le Christ a aimé l’Église, c’est-à-dire être prêts à tout sacrifier jusqu’à la mort (Eph 5,25).

Jésus est un homme et n'a appelé que des hommes

« En n'appelant que des hommes à être ses Apôtres, le Christ a agi d'une manière totalement libre et souveraine. Il l'a fait dans la liberté même avec laquelle il a mis en valeur la dignité et la vocation de la femme par tout son comportement, sans se conformer aux usages qui prévalaient ni aux traditions que sanctionnait la législation de son époque. »

« D'autre part, le fait que la très sainte Vierge Marie, Mère de Dieu et Mère de l'Église, n'ait reçu ni la mission spécifique des Apôtres ni le sacerdoce ministériel montre clairement que la non-admission des femmes à l'ordination sacerdotale ne peut pas signifier qu'elles auraient une dignité moindre ni qu'elles seraient l'objet d'une discrimination ; mais c'est l'observance fidèle d'une disposition qu'il faut attribuer à la sagesse du Seigneur de l'univers. »

« C'est pourquoi, afin qu'il ne subsiste aucun doute sur une question de grande importance qui concerne la constitution divine elle-même de l'Église, je déclare, en vertu de ma mission de confirmer mes frères (cf. Lc 22,32), que l'Église n'a en aucune manière le pouvoir de conférer l'ordination sacerdotale à des femmes et que cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l'Église. » (Jean-Paul II, voir lien ci-contre)

Des ouvertures

En quelques décennies, la place de la femme a considérablement évolué au coeur de nos sociétés. D'abord cantonnées aux tâches ménagères et à l'éducation des enfants, elles ont investi tous les secteurs de la société. Au nom de l'égalité, elles bénéficient désormais des mêmes droits que les hommes et tous les postes professionnels leur sont désormais ouverts. Sauf dans l'Église !

La place des femmes dans la gouvernance de l’Église catholique est certes plus enviable qu’il y a deux ou trois décennies – et ce, jusqu’au Vatican. Elles sont membres de conseils épiscopaux, chancelières chargées du droit et des finances, responsables des services de la pastorale. Mais la gouvernance est incarnée par un curé ou un évêque et le dernier mot leur revient. Dans la liturgie, les femmes n’ayant qu’un rôle secondaire, leur poids symbolique est moins fort. Elles ne sont pas encore admises à commenter la parole de Dieu, mais le pape François a introduit officiellement une évolution :

Le Pape François a établi avec le Motu proprio Spiritus Domini, rendu public ce lundi 11 janvier 2021, l’ouverture aux femmes des ministères du Lectorat et de l’Acolytat sous une forme stable et institutionnalisée, avec un mandat spécifique.

Les femmes qui lisent la Parole de Dieu pendant les célébrations liturgiques ou qui accomplissent un service à l'autel, comme servantes d’autel ou dispensatrices de l'Eucharistie, ne sont bien sûr pas une nouveauté: dans de nombreuses communautés à travers le monde, c’est désormais une pratique autorisée par les évêques. Mais jusqu'à présent, tout cela s'est fait sans véritable mandat institutionnel, par dérogation à ce qui avait été établi par saint Paul VI, qui, en 1972, tout en abolissant les "ordres mineurs", avait décidé de maintenir théoriquement réservé aux hommes l'accès à ces ministères, parce qu'il les considérait comme préparatoires à un éventuel accès aux saints ordres. Aujourd'hui, le Pape François, dans le sillage du discernement qui s'est dégagé des derniers synodes des évêques, a voulu rendre officielle et institutionnelle cette présence féminine près de l'autel. Lien.

Regards sur d'autres religions

Dans les Églises issues de la Réforme et qui sont membres de la Fédération protestante de France (FPF), les rôles et les attributions accordées aux femmes diffèrent. La plupart des Églises instituées (Églises luthériennes, réformées, Églises de la Communion anglicane et Églises évangéliques, notamment baptistes et méthodistes) accordent aujourd’hui sans réserve la consécration et l’ordination aux femmes. Ces dernières accèdent donc, à l’instar des hommes, au pastorat et à des postes à responsabilités ecclésiales, y compris de charge épiscopale. (Voir lien ci-contre).

Dans le judaïsme, les femmes occupent une place centrale et déterminante dans la direction spirituelle du couple et par voie de conséquence de la société. Le véritable berceau de la vie juive n’est pas la synagogue, mais la cellule familiale. Le Talmud affirme : « La maison d’un homme, c’est sa femme »(Yoma 2a (T.B)). La loi juive prévoit qu’elles soient dispensées – et non interdites – d’enseignement, cette exemption a conduit à ce qu’elles reçoivent dans les écoles confessionnelles des cours allégés du Talmud. L’analyse des textes, le débat, la réflexion restent l’apanage des hommes. "Cette différenciation se retrouve dans les synagogues orthodoxes où, sous prétexte de non-mixité, elles sont souvent reléguées dans des espaces où il leur est difficile de voir et d’entendre correctement l’office. Elles ne sont pas non plus autorisées, selon la plupart des rabbins orthodoxes, à lire les rouleaux de la Torah dans les synagogues ni à enseigner à des garçons ayant atteint leur majorité religieuse, 13 ans. Mais « La révolution est en marche, des choses se créent sans attente de validation institutionnelle : à New York ou en ­Israël, des femmes rabbins sont ordonnées même si elles ne sont pas reconnues par le rabbinat officiel israélien. » (Héloïse de Neuville, article cité ci-contre)".

Dans l’islam, pour les femmes musulmanes, la prière à la mosquée n’a pas de caractère obligatoire contrairement aux hommes pour qui la prière du vendredi en groupe à la mosquée est un commandement obligatoire. Dans les mosquées, il existe des règles pour la mixité dont le but essentiel est le respect de la pudeur et le maintien d’une relation saine et loin de toute séduction. Des salles ont été dédiées aux femmes pour qu’elles aient davantage de place et de tranquillité. En 2019, pour la première fois en France, une femme imam a dirigé la prière dans une mosquée mixte, sans port du voile obligatoire.

Terminons ce tour d'horizon en précisant que cette discipline ne s'impose qu'au sein de l'Eglise catholique romaine. L'Eglise catholique chrétienne de suisse ou vieille-catholique accepte l'ordination de femmes. Lien sur un témoignage.

Femmes prêtres

Toute vocation se déploie au sein d'une culture. Jésus n'a appelé que des hommes au sein d'une société régie par des hommes. La liberté de Jésus s'exprime dans un contexte qui ne remet pas en cause la place des femmes. Si Jésus ne tient pas compte des convenances, il respecte l'ordre établi.

Passons en revue les arguments en faveur ou contre les femmes prêtres :

La capacité : Les hommes et les femmes disposent des mêmes capacités intellectuelles, spirituelles ou psychologiques.

Le symbolisme : Jésus était un homme. Une femme peut-elle symboliser un homme ? La réponse diverge selon que les argumens mettent l'accent sur l'humanité ou le genre. Louis-Marie Chauvet a bien montré dans son étude "Symbole et sacrement" que la symbolisation ne saurait être arbitraire.

La tradition : La tradition a toujours retenu des hommes pour la fonction sacerdotale, mais notre pape aime répéter à propos de la liturgie, sans parler explicitement du sacerdoce, que ce n'est pas parce que l'on a toujours fait ainsi qu'il faut continuer à le faire. D'autres religions ont évolué. Par ailleurs, il s'agit de "discipline" et non de dogme. Or la discipline n'est pas immuable.

L'Eglise : Admettre des femmes prêtres aujourd'hui risque de provoquer un schisme ; les mentalités ne sont pas prêtes pour une telle révolution. La frange la plus conservatrice de l’Église formule de vives réserves sur l'ordination des femmes.

Les vocations : Un remède à la crise des vocations sacerdotales ? Il est bien difficile de connaître le nombre de femmes attirées par la vocation sacerdotale. La crise des vocations existe aussi dans le protestantisme où les femmes peuvent devenir pasteurs, voire évêques.

En conclusion, les arguments ne permettent pas de trancher nettement en faveur d'une position. Nous sommes tous prêtres, prophètes et rois en vertu de notre baptême. Alors faisons confiance à l'Esprit...