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La liberté

Dans un premier temps, nous nous demanderons ce qu’est la liberté, puis nous verrons que la liberté est inséparable de la vérité.

Liberté chrétienne

Commençons par définir la liberté dans son acceptation commune. Je cite la Congrégation pour la doctrine de la foi, Instruction sur la liberté, 25 :

La réponse spontanée à la question : « qu’est-ce qu’être libre ? » est la suivante : est libre celui qui peut faire uniquement ce qu’il veut sans être empêché par une contrainte extérieure, qui jouit par conséquent d’une pleine indépendance. Le contraire de la liberté serait ainsi la dépendance de notre volonté à l’égard d’une volonté étrangère.

La liberté se définit donc, négativement, comme l’absence de contrainte ; positivement comme l’état de celui qui fait ce qu’il veut. Le courant de mai 68 prônait une liberté sans contrainte à travers ce slogan : il est interdit d’interdire.

Mais la vie nous montre que faire ce que l’on veut en l’absence de contrainte, ne conduit pas forcément au bonheur. Ainsi dans le cadre d’une union conjugale, je dispose du libre arbitre pour rester fidèle à mon engagement ou pour tromper mon conjoint. Mais serons-nous vraiment libres une fois l’adultère commis ? Ne serons-nous pas enchaînés au mensonge et à la fuite en avant au risque de tout perdre et donc de provoquer la mort du couple ?

Dans la bible, nous voyons que Dieu nous place dès l’origine en position de libres arbitres. Nous sommes tous des Adam et des Ève en face de nos responsabilités. Dans le texte de la Genèse, Dieu se contente de mettre une pancarte « Attention danger de mort ». Adam et Ève disposent de la capacité d’arbitrer les mots divins et de prendre une décision ; c’est le libre arbitre. Un choix conduit à la vie et à liberté ; un autre conduit à la mort et à la prison.

Dt 30,19-20 J’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité, pour aimer le Seigneur.

Reprenons l’Instruction sur la liberté.

26. La liberté n’est pas liberté de faire n’importe quoi, elle est liberté pour le Bien, en qui seul réside le Bonheur. Le Bien est ainsi son but. En conséquence l’homme devient libre lorsqu’il qu’il accède à la connaissance de la vérité et que celle-ci guide sa volonté.

Liberté et vérité

Liberté et vérité sont indissociables. Jésus nous dit :

La vérité vous rendra libres (Jn 8,32).

Ces propos nous renvoient à la question de Pilate à Jésus : qu’est-ce que la vérité ? (Jn 18,38). Jésus ne lui répond pas directement. Mais il nous laisse un témoignage à travers sa parole :

Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie (Jn 14,6).

Nous touchons ici du doigt la nouveauté unique de la révélation chrétienne : le chemin de la vérité doit désormais se chercher dans la personne même de Jésus (Ignace de La Potterie, jésuite, 2003).

Thomas d’Aquin commente les paroles de Jésus en ces termes :

Adhère donc au Christ si tu veux être en sûreté : en effet tu ne pourras pas dévier, parce qu’il est lui-même le Chemin. Il vaut mieux en effet boiter sur le chemin qu’avancer fermement en dehors du chemin.

C’est donc à la suite du Christ que nous sommes appelés à connaître la vérité et à vivre dans la liberté. Jésus nous appelle à la liberté à travers un « suis-moi ». Il ne prononce pas de grands discours éthiques ou philosophiques sur la liberté, mais distille quelques enseignements. Par exemple face au jeune homme riche.

Cet homme respecte à la lettre la loi, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne commettras pas l’adultère. Jésus trouve cela formidable :

Mc 10, 21-22 Alors Jésus fixa sur lui son regard et l’aima. Et il lui dit : « Une seule chose te manque : va, ce que tu as, vends-le et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel ; puis, viens, suis-moi. » Mais lui, à ces mots, s’assombrit et il s’en alla contristé, car il avait de grands biens.

Ce qui est en cause ici, ce n’est pas la richesse en tant que telle, mais l’enfermement du jeune homme sur lui-même, sur l’observation scrupuleuse de la loi et sur sa richesse. Ce jeune homme avait l’âme d’un pharisien qui respectait scrupuleusement les 613 préceptes de la loi mosaïque. Ce qu’il a manqué au jeune homme riche, ce n’est pas une vertu supplémentaire, ce n’est pas une qualité nouvelle à acquérir pour sa propre perfection, c’est simplement d’avoir les yeux ouverts sur quelqu’un d’autre que lui. Ce jeune homme était possédé par sa richesse. Il était prisonnier : il n’était pas libre. Jésus nous invite à mettre notre ambition dans une pauvreté de cœur (Mt 5,3).

En chacun de nous est vive la volonté d’être libre, libre de penser, libre d’agir. Mais nous n’empruntons pas toujours les chemins qui mènent à la liberté, parce que nous ne cherchons pas toujours la vérité, parce que nous ne suivons pas toujours le Christ. Nos choix nous conduisent parfois à l’esclavage et à la prison. Nous pouvons être prisonniers de nos richesses, de nos addictions, même de nos blessures ; nous pouvons aussi être englués dans le péché. Parfois nous disons « je n’arrive pas à m’en sortir » pour exprimer notre enfermement.

Certains avancent à pas de géant sur le chemin de la vérité et de la liberté, d’autres trébuchent et tombent. Mais Jésus nous tend la main et rejoint chacun de nous là où il est sur son chemin pour le guider vers la vérité. Le récit des disciples d’Emmaüs est particulièrement évocateur de cette conversion à la vérité (Lc 24,13-35).

Deux disciples quittent Jérusalem tristes, suite à la mort de Jésus. Ils attendaient un messie guerrier. Ils sont prisonniers de leur attente, sans doute légitime. Mais ils sont dans l’erreur en ce qui concerne Jésus.

Jésus les rejoint sur le chemin d’Emmaüs. Il les rejoint dans leur tristesse et leur désespoir. Il leur explique les Écritures. Les yeux des disciples commencent à s’ouvrir. Arrivé à un carrefour, Jésus fait mine d’aller plus loin. C’est aux carrefours de nos vies que se joue notre libre arbitre. Les disciples ont le choix d’inviter ou de ne pas inviter Jésus. Ils l’invitent. Vous connaissez la suite. Jésus rompt le pain. Les yeux des disciples s’ouvrent totalement. Ils accèdent à la connaissance de la vérité. Ils sortent de leur enfermement et accèdent à la liberté, liberté qui les pousse à retourner à Jérusalem pour annoncer la bonne nouvelle de la résurrection.

Ce récit montre toute l’importance de l’écoute. Les choix nous conduisent à la vérité et à la liberté lorsqu’ils sont éclairés.

En conclusion, la liberté est bien plus qu’une simple émotion intérieure. C’est un état à conquérir sur le chemin de la vérité. Et la vérité chrétienne est ce vers quoi nous marchons lorsque nous nous laissons conduire par l’Esprit.

Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière (Jn 16,13).

Alors nous serons vraiment libres.

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