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Immaculée conception

À quatorze ans, Bernadette Soubirous ne sait ni lire ni écrire et ne parle que le patois. Venue avec sa sœur ramasser du bois près de la grotte de Massabielle, le 11 février 1858, elle voit dans une douce lumière « une petite demoiselle » un chapelet au bras, avec une ceinture bleue et deux roses jaunes sur ses pieds nus. L’« apparition », le 25 mars, dit son nom : « Je suis l’Immaculée Conception », référence au dogme que Pie IX avait défini quatre ans plus tôt.

Comment comprendre ce dogme de l'Église catholique. "Immaculée" signifie "sans tache" ; la conception désigne selon Le Robert "La formation d'un nouvel être dans l'utérus maternel à la suite de la réunion d'un spermatozoïde et d'un ovule ; moment où un enfant est conçu." De ces deux définitions, il ressort que la conception d'un enfant porte avec elle une tache que la théologie appelle "péché originel". Tout être humain est marqué par une faute originelle dès sa conception, à l'exception de Marie et de Jésus.

Histoire du dogme

Toutes les confessions de foi qui concernent Marie découlent des développements christologiques des premiers siècles. Ce sont les conciles des premiers siècles qui sont parvenus à affirmer que Jésus est vrai Dieu et vrai homme. Dès lors, s'il est vrai Dieu et vrai homme, Marie est mère de Dieu (concile d'Ephèse, 432) ! Et Marie, étant mère de Dieu, n'a pas pu connaître le péché. D'où cette affirmation : Marie est conçue sans péché.

Le dogme doit aussi être mis en corrélation avec la doctrine du péché originel élaborée par Augustin, selon laquelle tous les hommes et toutes les femmes naissent marqués par le péché originel, péché qui se transmet selon Augustin par le rapport sexuel depuis Adam et ève. Le Catéchisme de l'Église catholique reste prudent sur le mode de transmission.

CEC 390 Le récit de la chute (Gn 3) utilise un langage imagé, mais il affirme un événement primordial, un fait qui a eu lieu au commencement de l’histoire de l’homme (cf. GS 13, § 1). La Révélation nous donne la certitude de foi que toute l’histoire humaine est marquée par la faute originelle librement commise par nos premiers parents (cf. Cc. Trente : DS 1513 ; Pie XII : DS 3897 ; Paul VI, discours 11 juillet 1966).

Trente 1513 3. Si quelqu'un affirme que ce péché d'Adam – qui est un par son origine et transmis par propagation héréditaire et non par imitation, est propre à chacun –, est enlevé par les forces de la nature humaine ou par un autre remède que le mérite de l'unique médiateur notre Seigneur Jésus Christ 1347 qui nous a réconciliés avec Dieu dans son sang Rm 5,9 s, “devenu pour nous justice, sanctification et Rédemption” 1Co 1,30 ou s'il nie que ce mérite de Jésus Christ soit appliqué aussi bien aux adultes qu'aux enfants par le sacrement conféré selon la forme et l'usage de l'Église : qu'il soit anathème.

CEC 404 La transmission du péché originel est un mystère que nous ne pouvons pas comprendre pleinement. Mais nous savons par la Révélation qu’Adam avait reçu la sainteté et la justice originelles non pas pour lui seul, mais pour toute la nature humaine : en cédant au tentateur, Adam et Eve commettent un péché personnel, mais ce péché affecte la nature humaine qu’ils vont transmettre dans un état déchu (cf. Cc. Trente : DS 1511-1512). C’est un péché qui sera transmis par propagation à toute l’humanité, c’est-à-dire par la transmission d’une nature humaine privée de la sainteté et de la justice originelles. Et c’est pourquoi le péché originel est appelé " péché " de façon analogique : c’est un péché " contracté " et non pas " commis ", un état et non pas un acte.

En résumé, le péché originel est un état que nous recevons dès notre conception. Dès les origines de notre humanité, nous sommes marqués par une faute, mystérieusement transmise depuis la chute. Le dogme catholique signifie que Marie, mère de Jésus, a été conçue exempte du péché originel, autrement dit que ses parents, Joachim et Anne, l'ont conçue sans transmission du péché originel.

Les débats commencent avec Tertullien (II) qui affirme que « Dieu seul est sans péché ; le seul homme sans péché est le Christ, puisque le Christ est aussi Dieu » où il s'oppose à l'idée qu'un autre humain que le Christ puisse avoir échappé au péché originel.

Dans la controverse avec Pelage, Augustin (IV-V) affirme que Marie bénéficie d'une grâce spéciale :

Nous faisons une exception pour la Sainte Vierge Marie dont, pour l'honneur du Seigneur, je ne veux que d'aucune manière on ne parle quand il s'agit de péchés: ne savons-nous pas peut-être pourquoi une grâce plus grande lui a été conférée en vue de vaincre complètement le péché, elle qui a mérité de concevoir et d'enfanter Celui qui manifestement n'eut aucun péché ? Augustin, De la nature et de la grâce, 42.

Au IX° siècle est introduit en Occident la fête de la Conception de Marie, d'abord en Italie méridionale, à Naples, puis en Angleterre. Vers 1128, un moine de Canterbury, saint Eadmer, écrit le premier traité sur l'Immaculée Conception. Il recourt à l'image opportunément de la châtaigne

qui est conçue, nourrie et formée sous les épines, mais qui reste à l'abri de leurs piqûres (Tract, 10). De la même façon, argumente Eadmer, sous les épines d'une génération qui devait transmettre le péché originel, Marie est restée à l'abri de toute tache, par la volonté explicite de Dieu qui l'a pu et l'a voulu. S'il l'a donc voulu, il l'a fait (Tract, 10).

Duns Scot, au XII° siècle, offre la clé pour dépasser les objections à propos de la doctrine de l'Immaculée Conception de Marie. Il soutient que le Christ, le parfait médiateur, a exercé vraiment en Marie l'acte de médiation plus sublime, en la préservant du péché originel. De cette manière, il introduit dans la théologie l'idée de rédemption préservatrice selon laquelle Marie a été rachetée de manière plus admirable : non pas par la voie de la libération du péché, mais par la voie de la préservation du péché.

L'affirmation du privilège accordé à Marie met en évidence que la rédemption non seulement libère, mais aussi préserve du péché. Cette dimension de préservation, qui est totale en Marie, donne aussi à l'homme la grâce et la force pour vaincre l'influence du péché dans son existence.

En 1854, Pie IX, proclame le dogme de l'Immaculée Conception :

Nous déclarons, nous prononçons et définissons que la doctrine qui affirme que la Bienheureuse Vierge Marie dès le premier instant de sa conception, par grâce et par privilège spécial de Dieu tout-puissant, en considération des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, fut préservée de toute tache du péché originel, est une doctrine révélée par Dieu, et que, pour cette raison, elle doit être fermement et constamment crue par tous les fidèles. Bulle "Ineffabilis".

La constitution dogmatique Lumen gentium publiée le 21 novembre 1964 par le concile Vatican II, déclare que la Vierge Marie a été « rachetée de façon éminente en considération des mérites de son Fils » (LG 53) et que, « indemne de toute tache de péché, ayant été pétrie par l'Esprit saint, [elle a été] formée comme une nouvelle créature ».

En accueillant en elle la présence de Dieu, Marie devient en quelque sorte le Temple de Dieu. Comme tout temple, elle doit être pure et a été préparée pour être préservée de tout ce qui n'est pas Dieu, le péché. Plus profondément, en recevant Dieu en elle, Marie est purifiée de l'intérieur.

Comme l'eucharistie purifie celui qui la reçoit, l'incarnation du Christ en Marie la purifie suprêmement. Ainsi prend source la volonté de l'Église de définir la pureté de Marie: sa virginité, tout d'abord, son immaculée conception, ensuite, son Assomption, enfin.

Marie est la première des rachetée.

Enfin, si Marie est digne d'engendrer Dieu, elle n'en est pas moins une de ses créatures. Or si Jésus est le Dieu Sauveur, Marie est la première des rachetée. Ainsi devient-elle, en quelque sorte, la première des chrétiennes. Aussi peut-on légitimement la nommer « Mère de l'Église ». (Mgr Dubost)

Les autres Eglises

Pour l'Église Orthodoxe, Marie "fille de la race d'Adam" a été enfantée dans le péché originel comme tout homme et toute femme. Seulement, par sa pureté intérieure et son "Fiat" à l'ange Gabriel, elle a permis au Verbe de Dieu de s'incarner en elle. Pour les orthodoxes, c'est la conception de Jésus en Marie par l'Esprit Saint qui est immaculée, et si Marie est effectivement "immaculée", elle l'est par son adhésion à la volonté de Dieu, par sa pureté intérieure et par le fait qu'elle ne se soit jamais située en dehors de la volonté de Dieu et qu'elle n'ait jamais péché.

Les Eglises protestantes font valoir l'absence totale de base scripturaire pour le dogme de l'Immaculée Conception et rejettent donc ce dogme.

Réflexions

Le dogme de l'immaculée conception s'inscrit dans la lignée d'une existence historique d'Adam et Eve et d'une faute originelle. Dans cette perspective, nous sommes tous marqués par le péché originel par voie de "transmission" ou de "propagation".

Les récits de la Genèse ne prétendent pas raconter les origines historiques de l'humanité. Ils tentent d'expliquer, à l'instar de nombreuses mythologies, les commencements de la vie, de la souffrance et de la mort.

Le péché originel appartient à l'Histoire. Il dit que l'humanité veut prendre la place de Dieu, au lieu de se recevoir de Dieu. Nous sommes créés à l'image de Dieu et nous vivons dans la nostalgie de ce paradis perdu, paradis qui nous est promis dans une terre nouvelle et des cieux nouveaux. Voir les développements sur le projet originel

Comme tout être humain, Marie naît dans un monde marqué par le péché. La grâce lui confère un statut à part dans l'Histoire : devenir la mère de Dieu. La grâce ne la préserve pas du monde, mais lui donne la force de porter celui qui sauvera le monde. Marie naît dans une innocence originelle et la grâce lui permet de préserver ce "cœur d'enfant" tout au long de sa vie.

Marie est comblée de grâce, selon la formule du "Je vous salue Marie", c'est-à-dire tout entière servante d'une mission divine, corps et âme.

Les textes de la Genèse nous rappellent que nous sommes créés avec une capacité à vivre à la ressemblance de Dieu. Cette capacité se heurte à notre finitude humaine que Dieu seul peut lever par grâce. Marie a reçu une mission hors du commun, unique dans l'Histoire de l'humanité, d’où cette plénitude de grâce. Quelle femme voudrait porter une telle mission ? Quel homme voudrait accompagner cette femme ? L'Immaculée Conception est une grâce, mais pas un privilège.

Une autre piste d’étude serait de mettre en parallèle les deux privilèges corporels accordés à la Vierge, l’Immaculée Conception et l’Assomption. Ces deux grâces la protègent de toute forme de souillure : comme elle n’a pas contracté le péché originel, son corps reste pur dans sa conception et échappe à la décomposition lors de son trépas. En outre, il n’attend pas le Jugement Dernier pour être jugé et rejoindre les cieux. Le corps de la Vierge est un réceptacle unique et pur qui doit donner naissance à un être exceptionnel et le fait d’avoir été cette matrice donne à la mère du Christ droit à des privilèges corporels auquel aucun autre saint chrétien ne peut prétendre. Eléonore Fournié et Séverine Lepape-Berlier